Nos mondes entremêlés – L’autisme au cœur de la famille de Valérie Gay-Corajoud lu par Françoise Guérin

Parce que j’ai écouté attentivement l’intervention de Valérie Gay-Corajoud, lors de la journée du CERA (Centre d’Étude et de Recherche sur l’Autisme) le 10 mars 2018 sur le thème : Autisme et parentalité, j’ai eu envie de me plonger illico dans ses livres. Et je ne l’ai pas regretté. La lecture est fluide, enseignante, revigorante.

Mère d’un enfant souffrant d’autisme, Valérie Gay-Corajoud a dû mettre entre parenthèses sa vie de musicienne professionnelle (et beaucoup d’autres choses) pour l’entourer à chaque instant et tenter d’établir une passerelle entre les mondes.

Après « Autre chose dans la vie de Théo »[1], un album illustré qui raconte le quotidien d’un enfant autiste vu par les yeux de son dinosaure préféré, son nouveau livre, Nos mondes entremêlés – L’autisme au cœur de la famille, est écrit alors que Théo aborde l’adolescence et est, depuis peu, scolarisé dans une école spéciale où il s’épanouit. Mais quelle aventure pour en arriver là, depuis la suspicion d’autisme, l’errance diagnostique, la vie familiale bouleversée par les crises et les rituels, le monde médical et éducatif qui a bien du mal à prendre en compte la spécificité de ce petit bonhomme, etc.

L’auteure a choisi de faire un récit chronologique particulièrement précieux par sa constitution même. En effet, dès la maternité, elle remarque que Théo ne se présente pas comme ses frères et sœurs aînés. Et elle se met à écrire, comme elle l’a fait, déjà, pour ses autres enfants. Lui écrire pour lui raconter ce qu’elle perçoit, ses questions, son état d’esprit de mère.

« Tu t’es enfin endormi. Je ne comprends pas bien ce qui se passe. J’ai renoncé à te porter tant cela paraît te déranger. Mais j’en souffre, si tu savais ! Est-ce que, déjà, tu n’aimais pas être dans mon ventre ? Pleurais-tu sans que nous puissions t’entendre ? »[2]

Ces lettres datées constituent une observation très fine de ce qui peut se manifester précocement chez un sujet autiste. Elles s’accompagnent d’un récit actualisé, enrichi par la réflexion et les effets d’après-coup. Ainsi, ce qui faisait énigme s’éclaire de la répétition. Peu à peu, se dessinent les contours de l’autisme de Théo : son rapport au monde, à l’autre, aux objets, à la nourriture, au temps, à son corps, au langage, etc. La mère de Théo décrypte pour nous ses comportements, nous permet d’entrevoir combien ils lui sont utiles pour circonscrire l’angoisse térébrante qui l’habite et surgit à chaque fois que l’univers bouge autour de lui. Et elle s’étonne que certains professionnels, justement chargés de poser le diagnostic d’autisme, ne puissent tenir compte de ce qui, pour cet enfant, est affaire de survie. Cela va l’amener à refuser les approches comportementales non respectueuses du sujet… et à chercher d’autres voies pour aider Théo. Ainsi choisit-elle de prendre appui sur ce qui l’intéresse et lui est accessible : les dessins animés, les jeux vidéo, les animaux, la petite caméra qui médiatise son rapport au monde, etc.

Par ses tâtonnements de mère attentive et soucieuse de respecter la singularité de son enfant, Valérie Gay-Corajoud met en place, tout naturellement, ce que d’autres appelleront bientôt du nom d’Affinity therapy.

Deux livres utiles quand on reçoit des enfants concernés par l’autisme. Autre chose dans la vie de Théo est désormais à disposition des familles dans ma salle d’attente.

Il est possible de commander Nos mondes entremêlés sur le site ECF-Echoppe et l’album Autre chose dans la vie de Théo en suivant les instructions sur le blog de l’auteure.

[1] V. Gay-Corajoud, Autre chose dans la vie de Théo, illustrations Salomé von Ow, – Autoédition

[2] V. Gay-Corajoud, Nos mondes entremêlés – L’autisme au cœur de la famille – Autoédition, 2018, P.13


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